I didn’t think I could be strong. I didn’t know I could. But I already was.
S'isoler alors que l'on vit constamment les uns avec les autres, ce n'était pas une chose facile. Mais Carol était passé maître dans l'art de s'éclipser. Prendre quelques minutes rien qu'à elle, simplement pour souffler, se perdre deux minutes dans ses pensées, ou juste pour le plaisir d'être seule.
Avant l'invasion de zombies, Carol avait toujours du temps pour ça, elle se sentait d'ailleurs trop isolée. Lorsqu'Ed était au travail et que Sophia était à l'école. Carol trouvait parfois le temps très long. Mais son cher mari lui avait interdit de travailler et elle n'avait pas beaucoup l'occasion de sortir. La solitude était une vraie plaie pour elle, mais elle l'acceptait, surtout lorsqu'elle se retrouvait avec une lèvre entaillée ou une épaule démise à cause des coups de sang de son mari.
Mais une fois qu'Ed prit la décision de suivre le groupe dans la carrière, Carol se sentit oppressée. Peu habituée à vivre en communauté, elle avait pris l'habitude de s'éloigner un peu du groupe. Pas trop loin pour ne pas être surprise par un mort-vivant, mais assez éloigné pour pouvoir pleurer tranquille ou tenter de se soigner sans être vue.
Voici ce qui traversait son esprit lorsqu'elle partait se réfugier dans cette sorte de forteresse de solitude.Elle venait d'enterrer son mari et malgré tout ce qu'elle avait pu endurer durant si longtemps, elle était triste. Agenouillée devant, la butte de terre qui recouvrait Ed, elle pleura. À la fois terrifiée à l'idée de se retrouver seule avec sa fille, mais également soulagée de ne plus à avoir peur constamment de l'ombre de son mari. Ses larmes se tarirent rapidement et elle se remémora les bons moments passés avec Ed, car oui, malgré tout, il y en avait eu des bons. Leur rencontre au lycée, leur mariage, son beau-père qu'elle aimait tant. Carol avait perdu son père avant son entrée à la fac et avait préféré rester auprès de sa mère et d'Ed pour faire son deuil. Lorsque sa mère s'en alla à son tour quelques années plus tard, elle trouva du réconfort auprès de son beau-père qu'elle considérait comme la figure paternelle qui lui manquait tant. C'est à la mort du père d'Ed que tout bascula. Il lui reprochait de trop travailler ce qui les avait empêché d'avoir un enfant. Lui reprochait de ne pas être assez présent pour lui, de ne pas être comme sa mère l'avait été pour son père.... Un soir, alors qu'il rentrait un peu émèché du boulot, il fit claqué sa main sur la joue de sa femme et ce fut le début d'une vie de calvaire pour Carol. Elle secoua la tête en regardant la terre qui avait été retournée et elle se sentit écoeurée. Alors qu'il était mort, elle cherchait toujours à le protéger, à lui chercher des excuses. Mais il n'en valait pas la peine : c'était une pourriture. Elle retourna vers son groupe, soulagée de laisser cet homme derrière elle.
Quand la horde était passée et qu'elle avait vu Sophia passer par-dessus la balustrade pour échapper aux rôdeurs, Carol avait cru vomir de peur. Perdre Ed n'avait pas été si difficile à gérer finalement, mais perdre Sophia était impensable. Elle en avait voulu à Rick de l'avoir laissé toute seule et a Daryl de ne pas l'avoir retrouvée. Mais au fond, c'est elle qu'elle blâmait le plus, d'être si impuissante.
Quand ils avaient fait halte dans cette église, elle avait prié une première fois. Mais quelques instants plus tard, elle était retournée s'isoler un moment pour éviter de perdre pied. Elle devait être forte pour Sophia et ne jamais baisser les bras. Ils la retrouveraient, surtout avec un groupe aussi nombreux avec dans le lot : deux flics et un chasseur.
Elle s'assit sur le banc et regarda cette minuscule cicatrice qui ornait le dessus de sa main gauche. Cette petite marque lui faisait toujours penser à la naissance de Sophia. Lorsqu'une jeune infirmière tentait désespérément de lui mettre une perfusion et qu'elle se confondait en excuses de ne pas y arriver. Carol ne lui en voulait pas, elle avait connu pire et allait surement connaitre bien des douleurs lors de l'accouchement.
Dès qu'Ed avait appris la grossesse de Carol, il avait changé du tout au tout. Restant aux petits soins auprès de sa femme, il ne grognait pas pour aller faire des courses, allant même jusqu'à faire la vaisselle lorsqu'il était bien disposé. Attendre Sophia fut une expérience tellement libératrice pour Carol qu'elle remerciait le ciel tous les jours de lui avoir apporté cette magnifique poupée.
Mais elle avait perdu sa poupée et désespérait de la retrouver...
Elle ne connaissait pas cette histoire de Cherokee rose et jamais elle aurait pu croire que Daryl partagerait ça avec elle. D'un autre côté, cela ne la surprenait pas. C'était un homme bon et plus d'une fois, elle avait pu le remarquer depuis le départ de Merle. Comment ne pas croire qu'il n'avait aucune valeur dans le groupe, alors qu'il passait ses journées à chercher Sophia. Mais cela ne se résumait pas à ça.
Daryl était un solitaire caché par l'ombre de son frère, tout comme elle était éclipsée par son mari. C'était peut-être pour ça qu'elle aimait bien sa compagnie, il avait été aussi meurtri qu'elle par le passé, elle le comprenait. Ils étaient, tous les deux, cassés et tentaient de survivre dans ce nouveau monde.
Et par cette simple rose, il avait réussi à lui donner espoir. L'espoir qu'elle pourrait très vite serrer sa fille dans ses bras. Voilà pourquoi elle aimait rester seule près du plan d'eau, avec ses roses pour seule compagnie.
Sophia était morte, seule, dans les bois et Carol n'acceptait pas de rendre hommage à une créature qui n'avait rien à voir avec sa petite fille. Le regard suppliant de Lorie n'avait rien changé et elle n'avait pu quitter le camping-car. Ce véhicule était son refuge, au moins personne ne venait l'importuner.
Elle pouvait rester seule, à pleurer sur le souvenir de sa petite fille. Elle pouvait rester seule, à en vouloir à Ed de ne pas avoir pu protéger sa fille. Elle pouvait rester seule, à spéculer sur la mort de Sophia. Elle pouvait rester seule, à en vouloir à la terre entière, mais surtout à elle, de ne pas avoir pu sauver sa petite fille.
Elle avait l'impression de tomber folle à penser à toutes les manières atroce dont sa petite poupée avait pu mourir, et ni la présence de Daryl, ni le réconfort des autres membres du groupe, n'arrivait à apaiser son esprit.
Carol était seule et elle ne savait pas si elle réussissait à survivre après ça.
Après son affrontement avec Daryl, juste avant le retour de Lorie, Carol avait eut besoin de s'isoler une nouvelle fois. Daryl n'avait pas été tendre avec elle, mais elle avait encaissé sans broncher. Jusqu'à ce qu'il s'énerve tellement qu'elle avait eu un mouvement de recul, ayant peur qu'il ne suive l'exemple d'Ed.
Elle avait bien vu que sa réaction l'avait choqué, elle avait été surprise d'avoir réagi de la sorte également. Mais elle était si vulnérable depuis la mort de Sophia. Elle n'avait plus les idées claires, elle en voulait à tout le monde et se méfiait de tous. Alors qu'elle avait une grande confiance en lui, elle n'avait pu réprimer ce mouvement de recul envers Daryl.
Elle avait bien vu que sa réaction l'avait choqué, elle avait été surprise d'avoir réagi de la sorte également. Elle regrettait sa réaction, mais elle avait aussi compris qu'il était lui aussi, affecté par la mort de Sophia. Sa petite poupée lui manquait tellement qu'elle avait du mal à respirer. Elle pleura encore, mais elle avait l'impression de ne plus en avoir la force. Elle était exténuée par tout ce chaos, fatiguée d'attendre la mort d'une autre personne du groupe. Elle était inquiète pour Lorie, pour Rick, pour Glenn et bien sûr pour Hershel.
À ce moment précis, elle comprit qu'elle n'avait pas le temps pour s'apitoyer sur elle-même. Elle pourrait le faire plus tard, s'isoler de nouveau... Le temps était aux recherches, il fallait reformer le groupe au plus vite avant que tout ne partent en vrille.
Dale était mort un peu plus tôt cette semaine, encore un déchirement pour le groupe. Et ce soir-là, alors que la moitié du groupe était partie à la recherche de leur prisonnier, l'autre moitié faisait face à une plus grande menace : des rôdeurs, partout. Une horde avait envahi les terres d'Hershel et menaçait la survie de tous.
Daryl et Glenn étaient revenus à temps, mais aucune trace de Shane, Rick ou encore Carl. Carol comprenait tellement le désarroi de Lorie qu'elle n'hésita pas à fouiller la maison de fond en comble pour le retrouver, en vain. Ils durent s'échapper, le groupe s'éparpillant au passage. Andrea eut le temps de sauver Carol avant de se faire attraper par les rôdeurs. Une nouvelle fois isolée, mais pas comme elle aimait le faire. Elle ne supportait plus cette situation, c'était insoutenable. Elle aurait pu baisser les bras et attendre gentiment que l'un deux la morde. Mais alors que deux morts-vivants étaient à ses trousses, elle comprit une chose : Andrea ne l'avait pas sauvé pour rien. Elle devait se battre et courir aussi loin que possible.
Quitter la ferme des Greene fut l'une des choses les plus difficiles à faire, tout le monde avait commencé à s'habituer à cet endroit, avait baisser leur garde. Mais non, le monde n'était plus ce qu'il était, le danger était partout, tout autour d'eux, tout le temps. De quoi rendre parano le plus sain des hommes. Rick s'éloigna de l'homme que tout le monde connaissait et devint un chef sans foi ni loi qui menait son groupe à la baguette. Il gardait cette gentillesse qu'elle appréciait chez lui, mais il y avait des moments où elle le craignait.
Il se passa des semaines, des mois, sans qu'ils ne puissent trouver un endroit convenable où se poser quelque temps. Ils vivaient - survivaient - au jour le jour, se nourrissant de ce qu'ils trouvaient sur le route. Ce n'était pas une vie, mais bizarrement Carol était contente d'en faire partie. Elle n'avait pas baissé les bras et s'impliquait de plus en plus dans la vie du groupe. Cherchant à se rendre utile le plus souvent possible. Elle apprit à tirer avec Rick, Hershel lui enseigna les rudiments de la médecine. Elle voulait être parée à toutes les éventualités, et ces mois d'errances lui furent extrêmement profitable.
Elle put d'ailleurs aider activement le groupe lorsqu'ils prirent possession de la prison. Et fut si heureusement de pouvoir se poser, de pouvoir avoir un petit coin rien que pour elle, qu'elle ne put s'empêcher de sourire. Ils purent souffler et tenter de retrouver un semblant de vie. Des sourires s'affichèrent sur les visages, des rires raisonnèrent.
Carol apprécia ce retour au calme et dormi comme un loir cette première nuit, dans la prison. Elle fut également ravie de pouvoir s'isoler de nouveau. Il faut dire que durant leur longue route, les occasions de s'éloigner du groupe ne se présentaient pas souvent, de plus la sécurité primait et le moindre écart aurait pu mettre en danger sa nouvelle famille. Mais elle n'avait pas eu besoin de s'isoler à ce moment-là, trop contente de pouvoir être avec eux, de pouvoir veiller sur eux. Et puis s'isoler pour quoi ? Pour penser à son ancienne vie ? À son mari ? À sa merveilleuse petite fille ?
Mais maintenant qu'ils n'étaient plus à l'affut du moindre bruit suspect, Carol avait besoin de se ressourcer, de prendre un peu de recul. Elle voulait se remémorer Sophia et tous les bons moments qu'elles avaient passés toutes les deux. Elle aurait tellement aimé l'avoir auprès d'elle, en sécurité dans le lit au-dessus du sien.
Ils avaient baissé leur garde et c'étaient mis en danger. Ils avaient manqué de vigilance et T-Dog en avait payé le prix. Lorsque les rôdeurs avaient envahi la prison, un sentiment de panique avait envahi Carol. Au plus profond d'elle-même, elle savait qu'il y aurait des morts ce jour-là. Quand elle avait vu ce rôdeur se jeter sur son ami, elle avait été anéanti, mais malgré la douleur et sa mort imminente, T-dog lui avait sauvé la vie.
Elle avait couru dans les couloirs de la prison, simplement armée de son couteau. Elle avait réussi à tué un, puis deux rôdeurs avant que la force ne lui manque. Extenué, appeurée, elle avait manqué le dernier zombie qu'elle avait croisé et avait juste eu le temps de s'enfermer dans une cellule pour ne pas être mordue. Isolée contre son gré, elle avait eu le temps de réfléchir à tous ça. Des gens étaient morts pour la protéger, Andrea, T-dog. Ils avaient tous risqué leurs vies les uns pour les autres. C'était sa famille qui était dans cette prison et elle ne voulait pas les abandonner. Elle voulait voir grandir Carl, passer du temps avec Beth. Elle attendait avec impatience l'arrivée du bébé et espérait qu'un jour Glenn & Maggie seraient parents à leur tour. Elle ne pouvait baisser les bras et renoncer à sa famille.
Elle devait être enfermée depuis 2-3 jours peut-être. Elle avait totalement perdu la notion du temps, mais elle s'accrochait, malgré les évanouissements, la fatigue et la soif. Elle se jura que si elle s'en sortait, elle mettrait un moment avant de retourner s'isoler comme elle avait pris l'habitude de le faire.
Daryl l'avait retrouvé, elle avait d'ailleurs cru halluciner en le voyant débouler dans la cellule où elle s'était réfugié. Mais non, encore une fois, il lui avait sauvé la vie. Il la ramena dans sa cellule et prit soin d'elle avant de prévenir les autres. Elle fut tellement heureuse de voir tout le monde, de pouvoir les serrer dans ses bras... Sauf qu'il manquait du monde, beaucoup trop de monde.
Glenn et Maggie avaient disparu, Lories était morte. En apprenant cette nouvelle, Carol fut si bouleversé qu'elle ne put trouver les mots. Il y avait eu quelques tensions entre les deux femmes, mais durant leur longue errance, elles s'étaient beaucoup rapprochées. C'étaient les deux mamans du groupe, elles avaient tellement en commun... Et voilà qu'elle avait perdu encore un membre de sa famille.
Mais de cette sale journée, il en ressortit une merveilleuse "little ass kicker". La petite Judith était l'étincelle d'espoir qui la ferait avancer. Ils devaient vivre et se battre pour que cette petite puisse grandir dans ce nouveau monde. Comme elle se l'était promis, elle évita de s'isoler à partir de cet instant. Mais comment vouloir s'isoler avec cette jolie poupée à s'occuper. Bien entendu, elle pensait à Sophia lorsqu'elle s'occupait de ce petit ange. Mais elle n'était jamais triste lorsqu'elle était avec Judith.
Plus besoin de s'isoler, elle se mettait simplement dans sa bulle en s'occupant de Judith et tout allait pour le mieux.
Jamais elle n'aurait cru être aussi déçue que lors du retour du groupe après le sauvetage de Glenn et Maggie. Bien entendu, elle était ravie de leur retour, mais elle avait perdu Daryl au passage et ça, elle avait du mal à l'accepter.
Elle lui en voulut un moment, le temps de digérer la nouvelle, ensuite elle comprit. Elle le connaissait bien, c'était un homme bon. C'est d'ailleurs une conversation avec Beth qui lui permit d'accepter la situation. Plus d'une fois, elle passa devant sa cellule de son ami, espérant qu'il y soit... Il lui manquait, mais la vie devait continuer, surtout après les évènements avec le Gouverneur.
Elle espérait qu'il reviendrait un jour, elle priait pour qu'il ne soit pas détruit par l'influence de son frère. Mais elle avait confiance en lui, il arriverait à s'en sortir... Et il revint et ce fut un tel soulagement qu'elle aurait pu en pleurer.
Mais elle ne s'autorisait plus à pleurer. Il n'y avait plus de place pour ses larmes, mais pour la bataille, la survie, il fallait se battre.
Lorsque les habitants de Woodbury rejoignirent le groupe à la prison. Carol fut à la fois ravie, mais aussi mal à l'aise. Plus de monde à côtoyer, plus de monde à s'occuper et peut-être plus de monde à qui s'attacher.
Sous sa sincère générosité, il y avait également une part d'hypocrisie. Elle voulait sauver les apparences, mais une chose était claire, elle ne devait pas s'attacher à tous ses gens. Elle n'en avait ni le courage, ni la force. Mais elle pouvait les aider à survivre et leur apprendre à se battre, surtout les plus petits.
Membre du conseil, Carol était également devenue officiellement conteuse à la bibliothèque et officieusement maître d'armes pour ces gamins qui n'avaient aucune chance de survie tout seuls. Elle se sentait obliger de les endurcir pour leur survie et inconsciemment pour ne pas à avoir à les pleurer plus tard.
Carol restait Carol, mais une part d'elle était morte avec Sophia et c'était une femme plus dure et déterminée que jamais à sauver sa famille, qui vivait maintenant à la prison.